Les dragons de mer : des créatures graciles et fragiles

Dans la famille Syngnathidae, je voudrais… Les dragons de mer ! Poissons osseux, ils se distinguent de leurs cousins les hippocampes par leur posture allongée et horizontale. Les deux animaux se rejoignent sur la forme de leur mâchoire soudée et tubulaire qui forme un museau au bout duquel se trouve une petite bouche. De ce fait, ces poissons aspirent leur nourriture au lieu de la mâcher. La famille des Syngnathidae regroupe pour l’instant 300 espèces dont 3 dragons de mer.

Aussi appelé hippocampe feuille (Phycodurus eques) est l’unique représentant du genre Phycodurus, il vit dans les eaux peu profondes (moins de 50 m) au sud et à l’ouest des côtes australiennes où il est protégé. Attention à ne pas confondre cette espèce que les Anglo-saxons nomment « Leafy seadragon », et le dragon de mer commun (Phyllopteryx taeniolatus) aussi appelé en anglais « weedy seadragon ». C’est l’emblème marin de l’Etat australien de Victoria alors que le dragon de mer feuillu est celui de l’Australie-Méridionale.

weedy sea dragon phyllopteryx taeniolatus randy wilder monterey bay aquarium
Phillopteryx taeniolatus, le dragon de mer commun (weedy sea dragon). Photo de Randy Wilder, Monterey Bay Aquarium, Californie.

Une troisième espèce a été observée pour la première fois en 2015 par les naturalistes Nerida G. Wilson, Josefin Stiller et Greg W. Rouse. Phyllopterix dewysea (en anglais « Ruby seadragon ») fréquente les eaux proches des côtes d’Australie-Occidentale, à l’instar des autres espèces de dragons de mer. L’épithète « dewysea » a été ajoutée en hommage à l’océanographe Mary Dewy Lowe, pour son amour envers la mer et ses travaux pour la conservation et la protection des dragons de mer. L’équipe qui a découvert cette espèce a remarqué qu’elle était plus rouge du fait qu’elle habitait les eaux plus profondes, où les nuances de rouge sont mieux absorbées. Se parer de rouge est donc une façon de mieux se camoufler.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA
Dragon de mer rubis mâle portant ses oeufs découvert par l’Institut d’océanographie Scripps en 2015. Crédits : Western Australian Museum. Source.

Un animal qui préfère le camouflage au combat et à la fuite

Plus grand que la plupart des hippocampes, le dragon de mer feuillu mesure environ 45 cm (le dragon de mer commun est un peu plus petit ; environ 25 cm). Il possède un long bec et des petites nageoires qui font de lui une proie facile pour ses prédateurs. Sa grosse tête et sa peau épaisse limitent la vitesse de ses déplacements ce qui le rend principalement sédentaire et incapable de fuir face à des espèces plus rapides.
Des spécimens ont été observés pendant plus de 68 heures dans un même endroit. Néanmoins, des recherches plus poussées ont prouvé que ces animaux pouvaient aussi voyager durant plusieurs heures et atteindre la vitesse de 150 m/h. Ils retournent ensuite là d’où ils sont partis grâce à un puissant sens de l’orientation.

dradon de mer feuillu san diego shooter
Dragon de mer feuillu photographié par San Diego Shooter. Source.

A l’instar de beaucoup d’espèces marines, le nom de l’animal vient de son apparence. Les dragons de mer ont le corps recouvert de protubérances qui leur permettent, non pas de se propulser mais de se camoufler. En effet, ces appendices imitent l’apparence des feuilles des sargasses et des algues brunes, fréquentes dans l’environnement de l’animal. Le dragon de mer commun est cependant moins fourni que le dragon de mer feuillu. Les différentes espèces aiment se cacher dans les algues d’où elles guettent leurs proies. Bien qu’elles n’aient pas dents, elles se nourrissent de petits poissons, et surtout de crustacés et de plancton.

male-weedy-seadragon
Dragon de mer commun portant ses oeufs photographié en 2012 par Richard Wylie pour National Geographic. Source.

Afin de se fondre encore davantage dans leur milieu naturel, les dragons de mer sont capables de changer de couleur. La variété et le degré de coloration de l’animal dépend de son alimentation, mais aussi de son âge, du lieu et du niveau de stress. Les dragons de mer peuvent être vert, jaune ou rouge. Ainsi, il peut aussi bien se cacher parmi les coraux que les algues ou encore se dissimuler dans les sols sablonneux.
Pour se déplacer, les dragons de mer utilisent leur nageoire pectorale située sur le dessus de leur cou, et leur nageoire dorsale au bout de leur queue. Celle à l’avant de leur permet de tourner quand celle à l’arrière les aide à avancer. Entièrement transparentes, ces petites nageoires, difficiles à voir tant elles ondulent, donnent à l’animal ce mouvement gracile et tranquille qui renforce l’illusion d’algue ondoyante.

Leafy-Sea-Dragon
Dragon de mer feuillu photographié par Tony Brown pour Australian Geographic. Source.

Une espèce protégée de près

Les dragons de mer ont bien raison de se cacher, car les menaces qui les entourent sont nombreuses. De leurs premiers jours jusqu’à leur huitième et dernière année d’existence, ils devront se montrer vigilants. Dès leur naissance, ils sont confrontés au danger. Incapables de nager, de changer de couleur et livrés à eux-mêmes, les petits dragons de mer sont vulnérables à tous types de prédateurs. Une fois adultes, ne pouvant enrouler leur queue autour d’un support, les dragons de mer sont également vulnérables face aux courants forts. Lors de leurs périples, ils s’égarent souvent en mer après les fortes tempêtes, et malgré leur sens de l’orientation, ne parviennent pas à retrouver leurs congénères.
La nature a armé les dragons de mer pour faire face aux prédateurs mais pas pour lutter contre les êtres humains. Capturés par les collectionneurs et utilisés en médecine alternative, les dragons de mer sont aussi menacés par les activités polluantes et les plongeurs irrespectueux comme leur habitat naturel : les récifs coralliens. Les espèces sont donc officiellement protégées par le gouvernement fédéral australien. En conséquence, pour les aquariums, obtenir des dragons de mer est très complexe, et impossible pour les aquariophiles amateurs.

weedy seadragon
Deux spécimens de dragon de mer commun. Aquarium of the Pacific, Long Beach, Californie. Photo de B. Gray. Source.

Le processus d’acquisition est très coûteux est encadré par une législation stricte. Même s’ils demeurent très fragiles en dehors de leur milieu naturel d’origine, les spécimens capturés doivent uniquement provenir d’élevages. Les éleveurs cumulent souvent le rôle d’exportateur, et sont obligés d’avoir un permis de collecte pour ce type d’animaux.
Le Tennessee Aquarium, le Georgia Aquarium (Atlanta), le Monterey Bay Aquarium, l’Aquarium of the Pacific (Californie), et le Melbourne Aquarium (Australie) des dragons de mer communs qui ont réussi à se reproduire en captivité. Grâce à cette faculté d’adaptation et au soutien financier du (secteur) public, les scientifiques et le public ont pu en apprendre davantage sur le comportement et la reproduction de cette espèce dont le taux de survie à la naissance est de 60% en captivité.

leafy sea dragon
Dragon de mer feuillu photographié par Jamie Coote. Source.

Les dragons de mer atteignent leur maturité sexuelle vers 28 mois. Comme chez les hippocampes, la femelle dragon de mer produit en moyenne 250 oeufs qu’elles laissent en charge au mâle. Elle dépose les oeufs d’une couleur rose vif dans la queue du mâle grâce à un long tube. Les oeufs s’accrochent alors à une plaque incubatrice (comme chez les oiseaux) qui leur fournit de l’oxygène.
Au bout de 9 semaines, les oeufs sont prêts à éclore. Ils virent alors au rouge pourpre puis à l’orange, 48h après, le mâle commence à agiter et à frotter sa queue contre des algues, pour faire sortir les bébés. Ces derniers, complètement indépendants, doivent s’alimenter de plancton pour survivre et atteindre leur taille adulte.
A l’état naturel, seulement 5% des jeunes dragons de mer y parviennent. Contrairement aux dragon de mer commun, aucun programme d’élevage ou de programme de reproduction en aquarium n’a réussi à faire se reproduire deux spécimens de dragon de mer feuillu.

NB

8 commentaires

Laisser un commentaire